Les mystiques – 2014

Hypnose

1ère phase de l'hypnose - léthargie #1
1ère phase de l'hypnose - léthargie #2
1ère phase de l'hypnose - léthargie #3
1ère phase de l'hypnose - léthargie #4
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #1
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #2
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #3
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #4
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #5
2ème phase de l'hypnose - catalepsie #6
3ème phase de l'hypnose - somnambulisme #1
3ème phase de l'hypnose - somnambulisme #2
3ème phase de l'hypnose - somnambulisme #3
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Les mystiques – 2014

Hystérie

1 - Début d'une attaque - Cri - 2014
2 - Début de la grande attaque hystérique - 2014
3 - Grande attaque hystérique - Variété démoniaque - 2014
4 - Période épiloïde - 1ère phase de la grande attaque hystérique - 2014
5 - Période des contorsions - 1ère phase de la grande attaque hystérique - 2014
6 - Période de grands mouvements - 2ème phase de la grande attaque hystérique - 2014
7 - Période de clownisme - 1ère phase des grands mouvements - 2014
8 - Période des hallucinations - 3ème phase de la grande attaque hystérique - 2014
9 - Période de délire - 4ème phase de la grande attaque hystérique - 2014
10 - Grande attaque hystérique - Attitude de crucifiement - 2014
11 - Attitude passionnelle - Colère - 2014
12 - Attitude passionnelle - Béatitude - 2014
13 - Grande attaque hystérique - Attitude d'extase - 2014
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« Regardez, regardez encore et regardez toujours, c’est ainsi que l’on arrive à voir »

Jean-Martin Charcot (1825-1893), neurologue français, professeur d’anatomie pathologique et académicien

 

Sandrine Berger photographe de l’humain et de l’intime ; la formule est consacrée, et l’ensemble « Les mystiques » constitué de deux parties « Hystérie » et « Hypnose » semble répondre à cet adage.
« Hystérie » justement …que nous montre donc la photographe ?
Corps convulsifs et donc flous, regards hagards, bouches déformées, grimaces, mains crispées ou tendues, tensions, exaltations, désespoirs, bref autant de signes, de gestes et d’attitudes montrant des troubles, des mouvements désordonnés de l’âme et de l’émotion.
Les différents titres de la série (« Début d’une attaque – cri – 2014 », « Période de délire – 4ème phase de la grande attaque – 2014 » …) ne peuvent que confirmer cette hypothèse, au cas où la stupéfiante proximité de ces clichés avec ceux établis par la Salpêtrière, sous la houlette de Charcot au XIXe siècle, ne nous aurait pas sauté aux yeux.
Concomitance des images, concomitance des titres….

L’affaire est donc entendue, Sandrine Berger aurait photographié les signes de la folie, reconvoqué l’imagerie médicale qui fascine tant les artistes et joué avec les codes d’une photographie scientifique, clinique, qui atteste et témoigne d’une pathologie pour en établir aussi son diagnostic.
Alors oui, pour cette série Sandrine Berger s’est plongée dans les clichés de la Salpêtrière pour s’en imbiber pleinement afin de mieux les oublier, puisque son œil de photographe avait enregistré les dispositifs, les attitudes, les expressions. Mais d’autres clichés, propres au XIXe siècle, étaient déjà venus nourrir sa réflexion photographique, notamment ces cartes postales de « monstres humains » ou ces portraits de condamnés et maintenant ces hystériques de Charcot.

Sandrine Berger n’est pas dupe, elle sait comment la photographie, en fixant et diffusant les corps des « marges » (monstres, folles et criminels), a pu établir des normes devenues stéréotypes « utiles » aux sociétés afin d’éloigner ses peurs, ses angoisses et d’attester d’une « normalité ». Et justement, en photographe de l’humain ou plutôt de notre humanité, comment pourrait-elle se résoudre aux stéréotypes ou à la pseudo normalité ?
Alors sommes-nous vraiment bien sûrs de voir ce que nous croyons voir ? À savoir des
« fous » en proies à de violentes crises d’hystérie ?

Et ces mêmes indices photographiques qui auraient pu attester d’un trouble psychiatrique racontent en fait une toute autre histoire et de nombreux détails en attestent :
Les corps, hommes femmes et enfant (premier glissement), tous assis face à « quelque chose » qui n’est pas la photographe, les regards sont tous fixés sur un même point ou au contraire s’en détournent, la lumière frontale saturée bleue ou verte… et même ces titres qui citent intégralement le descriptif médical du XIXe siècle, tout en apposant aussi l’année de la prise de vue, la nôtre, notre contemporanéité.

Cette série, « Les mystiques » est l’histoire d’un leurre ou comment duper le regardeur en se jouant de ses représentations, des images toutes faites et des discours préétablis.
En 2014, au moment de la coupe du monde de football, Sandrine Berger a « recruté » via Facebook une petite dizaine de supporters. Elle les a invités chez elle à regarder le match dans un studio conçu pour l’occasion et les a photographiés en train de regarder ledit match. Crispation, tension, sidération, colère, joie…bref, tous ces mouvements de lâcher prise face à un événement par lequel on peut être émotionnellement attrapé… voilà ce que nous regardons….
Evidemment les coïncidences sont troublantes, bien sûr l’œil et le cut de la photographe ont servi cette mystification, certainement pourrions-nous aussi disserter sur ces grandes messes mondiales fédérant de nouvelles hystéries, au risque de basculer sur un discours politique, mais tout cela ne serait-il pas une fois de plus établir des préjugés ? Regarder avec des schémas convenus ? Et si Sandrine photographie si justement les êtres humains c’est bien parce qu’elle ne pose jamais un regard social ou moralisateur, mais toujours bienveillant et parfois malicieux.

Isabelle Bryard, plasticienne intervenante, conférencière en histoire de l’art