série jaune – 2000-2002

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A l’origine, le portrait s’adressait à la noblesse, au clergé et à la bourgeoisie en répondant à une fonction d’exemplarité. Plus tard, un autre regard transforme cette fonction sociale du portrait qui devient l’affirmation d’une singularité du côté de l’artiste, et des gens mis en lumière au naturel. L’individu est le sujet. Il trouve sa noblesse dans l’expression intime du visage et du corps. Par le dessaisissement de soi, chaque personne nous révèle, une connaissance de son intériorité, une vérité de l’être et de la vie qui nous émeut, un abandon, dont se saisit Sandrine Berger dans l’acte photographique.

Au début, elle provoquait des rencontres, via des petites annonces dans la presse locale. Très vite, elle sera touchée par des personnes rencontrées fortuitement et les convainc d’être photographiées. A la rencontre de la vieillesse, de la nudité, de l’ambiguïté des genres, elle photographie, avec retenue, ces personnes singulières, émouvantes, qu’elle désire connaître. La photographie fonctionne comme un miroir qui réfléchit une image. Et comme miroir, ces images nous donnent à penser aux désirs : le nôtre peut être, et celui de ces personnes qui nous révèlent leur désir d’être en accord avec le « moi profond », selon l’expression de l’artiste. Sandrine laisse advenir l’intime, sans exhibitionnisme, ni voyeurisme, lorsqu’elle photographie, les corps parfois nus, transformés, des identités sexuelles troublées par la parure d’un vêtement, d’un maquillage, d’une prothèse. Ces images troublantes éveillent un désir de connaissance de soi, de l’autre. Lorsque la personne se dévêtit devant la photographe, elle révèle, discrètement, une intériorité de l’être, selon son plus grand désir. Comme le regard, la photographie découpe un morceau dans la vie. Dans cet instant, l’échange entre deux êtres se fait dans le regard confiant de l’autre, au point que le regard subtil et bienveillant nous éloigne délicatement par une mise en scène décalée. Pudiquement, le cadrage maintient à distance. Il peut être en même temps provoquant lorsqu’il redouble les rideaux noirs relevés qui encadrent les ombres projetées sur le fond blanc. Ainsi, Le Sexe de l’Ange deviendrait une auto – érotisation d’un sujet déjà érotisé par ce qui est, à la fois, caché et montré. L’homme croise ses jambes, dissimulant son sexe ou sa mutilation, pour simuler l’apparence d’un sexe féminin, voire de l’androgyne. Au regard de la sexualité, nous pouvons éprouver de la gêne. Alors le sexe est caché par un vêtement, redoublé par la pénombre ou un cadrage à la distance réfléchie. C’est aussi un flou, une lumière trouble et instable, qui deviennent la trace d’un long temps de pause ou d’un léger mouvement. Parfois, les yeux évitent d’autres regards. Cet évitement peut être aussi perçu comme un acte pudique, semblable à la retenue de la photographe. La prise de vue se réalise dans une relation de confiance avec ses modèles : le respect de la vie intime impose ce point de vue. Et pourtant, la photographe procède parfois d’un cadrage vertical, serré, gros plan du buste et du visage qui nous rapproche du sujet. Cette sensation d’être là se réalise par les formats, à la dimension réelle du visage et du corps.

Chargé d’histoire, l’art du portrait se réinvente en s’autonomisant. Le portrait photographique nous donne accès aux aspects essentiels de la vie privée de ces personnes : la transformation exprime le profond désir d’être à leur image ; affirme une identité dans laquelle elles se reconnaissent. Cet instant photographique devient un miroir tendu par l’artiste, lequel aide l’Autre à se réaliser au plus profond de lui-même. Nous sommes devant une vérité de la vie, qui dépasse l’apparence. Ni photographie d’identité ni représentation sociale, mais vérité d’un sujet à la rencontre de l’art.

Christine Cotinaud, enseignante et plasticienne