taisez-vous, je suis en train de naître, – 2002-2004 

 
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Il était un petit garçon délicatement adorable, que ses parents appelèrent Ange, mais que les langues hostiles au fil des années, voulurent à jamais surnommer « l’Ange déchu du village ». Se gaussant de lui, pour chasser sans doute ce qui aurait été si facile à comprendre, si au moins ils s’étaient donnés la peine de réfléchir.
Il est vrai que le petit ne s’exprimait pratiquement pas, non qu’il fût muet ; il ne croyait tout naturellement pas à l’intérêt de la parole, car sa vie, à part soi, différait de son aspect extérieur qui l’oppressait sans raison définie.
L’opportunité de s’exprimer vraiment lui vint d’une vieille malle de grenier qu’il ouvrit par curiosité.
D’ores et déjà, il sut. Une chaleur s’invita en lui et son cœur se libéra aussitôt qu’il revêtit les beaux atours encoffrés dans ce bois profané par les ans. Qui plus est, un flot de paroles s’échappa de son océan de silence. Il venait de naître.
Mais cette révélation fut, sans appel, contrariée. On le gourmanda amèrement, à tel point qu’on ne prêta pas attention à son amélioration de langage. On ne badine pas avec un enfant qui ne veut plus être ce qu’il a été jusqu’alors.
Envers et contre tous, doué et appliqué à ce qu’il faisait, il continua donc le chemin de sa vie, le plus souvent replié sur lui-même subissant des rebuffades où de temps à autre, il s’excluait de ce monde perclus de l’éthique des autres et entrait en catimini dans le sien, où d’un il devenait une, gratifiée d’ailes qui lui poussaient. Puis à contrecœur, il réintégrait plus doué que jamais cette soi-disant humanité qui le rejetait.
Alors il fallut bien qu’il y eut ce jour clair et décisif où, lassé de rabrouer son talent, Ange, « l’Ange déchu du village », s’insurgea ; lui le mal-aimé, de poussière d’ange, il devint une étoile.

Noëlle Berger, écrivaine

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